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Résolutions (12), par Pierre-Antoine Brossaud

C’est pour cette année. Ça y est. C’est décidé. C’est cette année qu’on va bel et bien franchir le pas. Faire le grand saut. Se jeter à l’eau.
De toute façon, on n’avait plus guère le choix. On sentait bien depuis quelques temps déjà que l’on était arrivés au bout de nos atermoiements, de nos tergiversations. On sentait bien au fond de nous ce profond désaccord qui nous tenaillait les entrailles. Au point où l’on n’osait même plus jeter un coup d’œil sur les aiguilles de notre horloge biologique (qui régulièrement se rappelle à nous par de lugubres sonneries) tant l’heure qu’on y voyait affichée nous plongeait dans une véritable panique. Son simple tic-tac même était devenu assourdissant.
Mais cette fois, ça y est, et savoir que notre décision est prise, qu’elle est irrévocable, sans appel et définitive, nous aide déjà à mieux respirer. Voilà, oui, c’est exactement ça, on respire déjà beaucoup mieux.
On va faire un bébé.
Finalement, il suffisait d’être patient, comme quoi la vie toujours se charge de nous ramener à l’essentiel, il suffisait sans doute tout simplement d’être vraiment arrivé à maturité, d’être complètement, totalement, entièrement prêts à prendre cette décision, qui n’est pas simple à prendre, mais cette fois, ça y est, et c’est un soulagement, on sent qu’on est mûrs, que le bon moment est venu, venu pour faire un bébé. On va enfin pouvoir donner à nos existences la plénitude qu’elle réclamait à corps et à cris.
Alors oui maintenant on peut le dire, (maintenant que notre décision est prise on en parle beaucoup plus librement, presque de façon détachée tellement tout ça nous parait lointain), mais c’est vrai qu’on avait un peu peur, c’est vrai qu’avant on ne se sentait pas forcément prêts à assumer la venue au monde d’un bébé. Qu’on ne se sentait pas tout à fait prêts à prendre la responsabilité de faire un bébé. Pourtant, et ce n’était pas faute de se le répéter, quel plus beau présent la vie peut-elle nous faire que celui de faire un bébé ? Et nous, de notre côté, quel plus beau gage d’amour et de reconnaissance peut-on donner à la vie que celui qui consiste à prolonger l’espèce en faisant un bébé ?
Ce bébé, on va le faire comme il faut, on va prendre notre temps, ne pas faire n’importe quoi n’importe comment comme on fait souvent, on va faire ça, a-t-on envie de dire, dans les règles de l’art.
Savoir déjà, c’est le b.a.-ba, qu’il existe trois différents types de bébés :
  1. Le bébé-d’amour.
C’est le bébé que l’on veut offrir en cadeau à son ou sa partenaire pour lui prouver son amour. C’est une façon de lui dire qu’on l’aime tellement qu’on voudrait qu’il ou elle, c’est-à-dire notre partenaire, se reproduise.
  1. Le bébé-réparation.
On le fait quand on sent que personne ne nous aime vraiment, que notre partenaire par exemple ne nous aime pas. On fait un bébé dont on est sûr qu’il nous aimera. Il répare quelque chose qui est cassé.
  1. Le bébé-réussite.
C’est un bébé qu’on fait quand tout va très bien. Quand on est épanoui dans sa vie familiale, professionnelle, sentimentale, sexuelle, sportive, culturelle, spirituelle, associative. Ce bébé est alors un peu comme une cerise sur un gâteau. C’est un ultime accomplissement.
Nous on ne va pas faire un bébé comme ceux-là. Pas parce qu’ils ne nous plaisent pas, bien au contraire, mais tout simplement parce qu’on ne peut pas. Pour des raisons techniques. Tous ces bébés sont des bébés qui se font en couple alors que nous on est tout seuls. On n’a pas de partenaire. C’est pour cette raison que l’on va faire un autre type de bébé, qui est très bien aussi, on va faire un bébé-éprouvette.
Faire un bébé est la chose le plus naturelle au monde. Depuis que le monde est monde, depuis que les hommes sont hommes, que les femmes sont femmes et que les animaux sont animaux, on a toujours fait des bébés.
Pour autant, on ferait bien de suivre quelques conseils afin de mettre de son côté toutes les chances de réussir son bébé.
Le premier principe que l’on gardera toujours à l’esprit c’est qu’un bébé, éprouvette ou pas, se fait dans un désir partagé et assumé. En toute transparence. Et davantage encore, osons-le dire, il n’y a rien là que des choses très naturelles dont il n’y a pas à rougir, il n’y a là absolument rien de honteux, rien dont on devrait être gênés ou dont même on devrait se sentir coupables, dans le plaisir. Gardons en tête que le fait d’avoir recours à une éprouvette plutôt qu’à une femme pour concevoir son bébé ne change absolument rien à la donne : n’allons pas trop vite en besogne et restons à l’écoute.
À nous donc de maitriser notre excitation et de ne pas oublier que les fameux préliminaires font partie intégrante des rapports sexuels et qu’ils favorisent confiance et intimité dans le couple. C’est le moment d’évasion, de détente et d’abandon total à l’autre, c’est le moment où l’on peut enfin mettre de côté ses préoccupations, ses petits soucis personnels, les tracas du quotidien.
À nous d’inventer et de réinventer les jeux amoureux, les scénarios sexy afin d’attiser les sens et titiller l’imagination de notre partenaire. On sera bien inspirés de se procurer quelques objets coquins qui seront une aide précieuse dans notre quête du plaisir. Une bonne et excitante petite fessée grâce au fouet caressant huit lanières, au martinet manche deux en un ou à la cravache cuir pleine fleur de vachette ne laisseront certes pas notre représentante du beau sexe indifférente ! Sortons, au moment le plus opportun, alors qu’elle ne s’y attend pas, les menottes à velcro ou à rivets chromés, le galet vibreur silicone, la culotte vibrante à télécommande, la gaine digitale Pleasure Finger, la banane Love 2 Love, effet garanti ! De même, la pince à tétons, la balançoire d’amour, la roue orgasmique à 10 langues, le Flash Rabbit à piles, le pulsateur Le Baron, ne resteront pas, soyons-en persuadés, sans effet !
À nous encore de trouver les petits gestes qui rendront notre partenaire folle de désir en cherchant avec obstination, (peut-être que dans notre cas cette recherche nous demandera davantage de temps), les fameuses zones érogènes. Quelques stimulations buccales ne seront certainement pas superflues, non plus que des massages bien dosés et judicieusement placés qui doivent arriver selon toute logique à provoquer d’un côté l’érection et de l’autre la lubrification attendues autorisant entre les partenaires une pénétration de qualité. Attention tout de même ! Trop de désir tue le plaisir ! Une lubrification excessive peut se révéler pour nous autres messieurs relativement inconfortable et mettre en péril la qualité du rapport ! Avoir à portée de main une petite éponge, du papier absorbant, ou un chiffon doux comme celui pour les vitres par exemple ne sera pas superflu !
Les femmes ont ceci en commun avec les éprouvettes que ce sont des êtres fragiles et d’une grande sensibilité. Murmurer quelques mots d’amour au creux de leur oreille pendant l’acte peut se révéler pour elle extrêmement stimulant. On pensera à quelque chose de très simple du type : « Je suis en train de te faire un bébé » ou bien encore : « Ça te plait que je te fasse un bébé ? »
Faire un bébé-éprouvette ne présente pas, faut-il le répéter, de difficulté particulière. On peut toutefois observer un certain nombre de prescriptions qui favoriseront la venue de bébé. On privilégiera la position de la cuillère, du missionnaire, ou encore celle dite de la levrette. La position d’Andromaque n’est pas conseillée dans le sens où les spermatozoïdes auront tendance à courir vers la sortie. C’est pour cette raison également que l’on encouragera notre partenaire à garder les jambes relevées au-dessus de sa tête pendent une bonne quinzaine de minutes après l’acte. Laisser ouverts les volets de notre chambre, du laboratoire en ce qui nous concerne, permettra à notre partenaire d’être exposée à la lumière naturelle de la lune ce qui pourrait favoriser le retour à un cycle régulier et à l’ovulation. De même, une petite coupe de champagne avant l’amour aurait, selon bon nombre d’études en tout cas, un effet non négligeable sur la vigueur de nos spermatozoïdes ! Attention tout de même aux abus et ne pas oublier de trinquer, nous concernant, avec la plus grande douceur ! Atteindre le 7e ciel, ou un niveau approchant, permet également d’augmenter les chances de fécondation en ce que cela favorise les contractions chez notre partenaire et encourage les spermatozoïdes dans leur course vers leur cible. Encore une fois restons à l’écoute !
Clairement, des rapports répétés et fournis multiplieront les chances de grossesse. Ne tombons tout de même pas dans la politique du chiffre ! Rappelons-le, faire un bébé est la chose la plus naturelle qui soit !
Savoir simplement que l’ovulation se fait généralement 14 jours avant les règles. Autrement dit pour un cycle de, disons 35 jours, elle se fera autour du 21e jour (35-14=21) après le début des dernières règles. L’ovulation survient généralement à la fin de la phase folliculaire, soit au 14e jour d’un cycle de 28 jours, 38h après une sécrétion en pic d’une hormone dite lutéinisante (LH). L’ovulation dure 24h et correspond à la libération d'un ovule par l'ovaire (le gauche ou le droit, indifféremment selon les cycles). À noter qu’après un rapport sexuel, les spermatozoïdes dont on rappelle que leur nombre dépasse les 200 millions d’individus, peuvent survivre jusqu’à 4 à 6 jours dans les organes reproducteurs. Comme la durée de vie de l’ovule est d’environ 24 heures (jusqu’à 72 heures pour certaines femmes très fécondes), les chances de succès s’étendent sur environ 4 jours soit 96 heures environ autour de l’ovulation.

Nous, ce qu’on sait déjà, c’est que notre bébé-éprouvette il va nous changer la vie. Et même si l’on est aussi parfaitement conscients que les débuts risquent d’être quelque peu délicats, qu’il nous faudra probablement un certain temps d’adaptation, nombre d’essais et de multiples expériences avant que de trouver nos marques, comment pourrait-on cacher l’impatience qui est la nôtre de le voir enfin verser sur nos mornes et ternes existences sa lumineuse clarté, son éclatante limpidité.

Pierre-Antoine Brossaud est lauteur de LEncre et le Papier, in La Vie des Livres.
 

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