C’est pour cette année. Ça y est. C’est décidé.
C’est cette année qu’on va bel et bien franchir le pas. Faire le
grand saut. Se jeter à l’eau.
De toute façon, on n’avait plus guère le choix. On
sentait bien depuis quelques temps déjà que l’on était arrivés
au bout de nos atermoiements, de nos tergiversations. On sentait bien
au fond de nous ce profond désaccord qui nous tenaillait les
entrailles. Au point où l’on n’osait même plus jeter un coup
d’œil sur les aiguilles de notre horloge biologique (qui
régulièrement se rappelle à nous par de lugubres sonneries) tant
l’heure qu’on y voyait affichée nous plongeait dans une
véritable panique. Son simple tic-tac même était devenu
assourdissant.
Mais cette fois, ça y est, et savoir que notre décision
est prise, qu’elle est irrévocable, sans appel et définitive,
nous aide déjà à mieux respirer. Voilà, oui, c’est exactement
ça, on respire déjà beaucoup mieux.
On va faire un bébé.
Finalement, il suffisait d’être patient, comme quoi
la vie toujours se charge de nous ramener à l’essentiel, il
suffisait sans doute tout simplement d’être vraiment arrivé à
maturité, d’être complètement, totalement, entièrement prêts à
prendre cette décision, qui n’est pas simple à prendre, mais
cette fois, ça y est, et c’est un soulagement, on sent qu’on est
mûrs, que le bon moment est venu, venu pour faire un bébé. On va
enfin pouvoir donner à nos existences la plénitude qu’elle
réclamait à corps et à cris.
Alors oui maintenant on peut le dire, (maintenant que
notre décision est prise on en parle beaucoup plus librement,
presque de façon détachée tellement tout ça nous parait
lointain), mais c’est vrai qu’on avait un peu peur, c’est vrai
qu’avant on ne se sentait pas forcément prêts à assumer la venue
au monde d’un bébé. Qu’on ne se sentait pas tout à fait prêts
à prendre la responsabilité de faire un bébé. Pourtant, et ce
n’était pas faute de se le répéter, quel plus beau présent la
vie peut-elle nous faire que celui de faire un bébé ? Et nous,
de notre côté, quel plus beau gage d’amour et de reconnaissance
peut-on donner à la vie que celui qui consiste à prolonger l’espèce
en faisant un bébé ?
Ce bébé, on va le faire comme il faut, on va prendre
notre temps, ne pas faire n’importe quoi n’importe comment comme
on fait souvent, on va faire ça, a-t-on envie de dire, dans les
règles de l’art.
Savoir déjà, c’est le b.a.-ba, qu’il existe trois
différents types de bébés :
- Le bébé-d’amour.
C’est le bébé que l’on veut offrir en cadeau à
son ou sa partenaire pour lui prouver son amour. C’est une façon
de lui dire qu’on l’aime tellement qu’on voudrait qu’il ou
elle, c’est-à-dire notre partenaire, se reproduise.
- Le bébé-réparation.
On le fait quand on sent que personne ne nous aime
vraiment, que notre partenaire par exemple ne nous aime pas. On fait
un bébé dont on est sûr qu’il nous aimera. Il répare quelque
chose qui est cassé.
- Le bébé-réussite.
C’est un bébé qu’on fait quand tout va très bien.
Quand on est épanoui dans sa vie familiale, professionnelle,
sentimentale, sexuelle, sportive, culturelle, spirituelle,
associative. Ce bébé est alors un peu comme une cerise sur un
gâteau. C’est un ultime accomplissement.
Nous on ne va pas faire un bébé comme ceux-là. Pas
parce qu’ils ne nous plaisent pas, bien au contraire, mais tout
simplement parce qu’on ne peut pas. Pour des raisons techniques.
Tous ces bébés sont des bébés qui se font en couple alors que
nous on est tout seuls. On n’a pas de partenaire. C’est pour
cette raison que l’on va faire un autre type de bébé, qui est
très bien aussi, on va faire un bébé-éprouvette.
Faire un bébé est la chose le plus naturelle au monde.
Depuis que le monde est monde, depuis que les hommes sont hommes, que
les femmes sont femmes et que les animaux sont animaux, on a toujours
fait des bébés.
Pour autant, on ferait bien de suivre quelques conseils
afin de mettre de son côté toutes les chances de réussir son bébé.
Le premier principe que l’on gardera toujours à
l’esprit c’est qu’un bébé, éprouvette ou pas, se fait dans
un désir partagé et assumé. En toute transparence. Et davantage
encore, osons-le dire, il n’y a rien là que des choses très
naturelles dont il n’y a pas à rougir, il n’y a là absolument
rien de honteux, rien dont on devrait être gênés ou dont même on
devrait se sentir coupables, dans le plaisir. Gardons en tête que le
fait d’avoir recours à une éprouvette plutôt qu’à une femme
pour concevoir son bébé ne change absolument rien à la donne :
n’allons pas trop vite en besogne et restons à l’écoute.
À nous donc de maitriser notre excitation et de ne pas
oublier que les fameux préliminaires font partie intégrante des
rapports sexuels et qu’ils favorisent confiance et intimité dans
le couple. C’est le moment d’évasion, de détente et d’abandon
total à l’autre, c’est le moment où l’on peut enfin mettre de
côté ses préoccupations, ses petits soucis personnels, les tracas
du quotidien.
À nous d’inventer et de réinventer les jeux
amoureux, les scénarios sexy afin d’attiser les sens et titiller
l’imagination de notre partenaire. On sera bien inspirés de se
procurer quelques objets coquins qui seront une aide précieuse dans
notre quête du plaisir. Une bonne et excitante petite fessée grâce
au fouet caressant huit lanières, au martinet manche deux en un ou à
la cravache cuir pleine fleur de vachette ne laisseront certes pas
notre représentante du beau sexe indifférente ! Sortons, au
moment le plus opportun, alors qu’elle ne s’y attend pas, les
menottes à velcro ou à rivets chromés, le galet vibreur silicone,
la culotte vibrante à télécommande, la gaine digitale Pleasure
Finger, la banane Love 2 Love, effet garanti ! De même, la
pince à tétons, la balançoire d’amour, la roue orgasmique à 10
langues, le Flash Rabbit à piles, le pulsateur Le Baron, ne
resteront pas, soyons-en persuadés, sans effet !
À nous encore de trouver les petits gestes qui rendront
notre partenaire folle de désir en cherchant avec obstination,
(peut-être que dans notre cas cette recherche nous demandera
davantage de temps), les fameuses zones érogènes. Quelques
stimulations buccales ne seront certainement pas superflues, non plus
que des massages bien dosés et judicieusement placés qui doivent
arriver selon toute logique à provoquer d’un côté l’érection
et de l’autre la lubrification attendues autorisant entre les
partenaires une pénétration de qualité. Attention tout de même !
Trop de désir tue le plaisir ! Une lubrification excessive peut
se révéler pour nous autres messieurs relativement inconfortable et
mettre en péril la qualité du rapport ! Avoir à portée de
main une petite éponge, du papier absorbant, ou un chiffon doux
comme celui pour les vitres par exemple ne sera pas superflu !
Les femmes ont ceci en commun avec les éprouvettes que
ce sont des êtres fragiles et d’une grande sensibilité. Murmurer
quelques mots d’amour au creux de leur oreille pendant l’acte
peut se révéler pour elle extrêmement stimulant. On pensera à
quelque chose de très simple du type : « Je suis en
train de te faire un bébé » ou bien encore : « Ça
te plait que je te fasse un bébé ? »
Faire un bébé-éprouvette ne présente pas, faut-il le
répéter, de difficulté particulière. On peut toutefois observer
un certain nombre de prescriptions qui favoriseront la venue de bébé.
On privilégiera la position de la cuillère, du missionnaire, ou
encore celle dite de la levrette. La position d’Andromaque n’est
pas conseillée dans le sens où les spermatozoïdes auront tendance
à courir vers la sortie. C’est pour cette raison également que
l’on encouragera notre partenaire à garder les jambes relevées
au-dessus de sa tête pendent une bonne quinzaine de minutes après
l’acte. Laisser ouverts les volets de notre chambre, du laboratoire
en ce qui nous concerne, permettra à notre partenaire d’être
exposée à la lumière naturelle de la lune ce qui pourrait
favoriser le retour à un cycle régulier et à l’ovulation.
De même, une petite coupe de champagne avant l’amour aurait, selon
bon nombre d’études en tout cas, un effet non négligeable sur la
vigueur de nos spermatozoïdes ! Attention tout de même aux
abus et ne pas oublier de trinquer, nous concernant, avec la plus
grande douceur ! Atteindre le 7e
ciel, ou un niveau approchant, permet également d’augmenter les
chances de fécondation en ce que cela favorise les contractions chez
notre partenaire et encourage les spermatozoïdes dans leur course
vers leur cible. Encore une fois restons à l’écoute !
Clairement, des rapports répétés et fournis
multiplieront les chances de grossesse. Ne tombons tout de même pas
dans la politique du chiffre ! Rappelons-le, faire un bébé est
la chose la plus naturelle qui soit !
Savoir simplement que l’ovulation se fait
généralement 14 jours avant les règles. Autrement dit pour un
cycle de, disons 35 jours, elle se fera autour du 21e
jour (35-14=21) après le début des dernières règles.
L’ovulation survient
généralement à la fin de la phase folliculaire, soit
au 14e jour d’un cycle de 28 jours, 38h après
une sécrétion en pic d’une hormone dite lutéinisante (LH).
L’ovulation dure 24h et correspond à la libération d'un ovule par
l'ovaire (le gauche ou le droit, indifféremment selon les cycles). À noter qu’après un rapport sexuel, les spermatozoïdes dont on
rappelle que leur nombre dépasse les 200 millions d’individus,
peuvent survivre jusqu’à 4 à 6 jours dans les organes
reproducteurs. Comme la durée de vie de l’ovule est d’environ 24
heures (jusqu’à 72 heures pour certaines femmes très fécondes),
les chances de succès s’étendent sur environ 4 jours soit 96
heures environ autour de l’ovulation.
Nous, ce qu’on sait déjà, c’est que notre
bébé-éprouvette il va nous changer la vie. Et même si l’on est
aussi parfaitement conscients que les débuts risquent d’être
quelque peu délicats, qu’il nous faudra probablement un certain
temps d’adaptation, nombre d’essais et de multiples expériences
avant que de trouver nos marques, comment pourrait-on cacher
l’impatience qui est la nôtre de le voir enfin verser sur nos
mornes et ternes existences sa lumineuse clarté, son éclatante
limpidité.
Pierre-Antoine Brossaud est l’auteur de L’Encre et le Papier, in La Vie des Livres.
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