Voilà une expo à ne pas manquer : la première rétrospective de grande envergure consacrée à l’œuvre de Mohamed Kacimi. On y verra l’essentiel de sa production artistique dans les dix dernières années de sa vie, celles qui l’ont vu trouver sa voie dans la peinture. On y verra aussi la plupart des livres qu’il a écrits ou accompagnés chez Al Manar, sept livres en tout, dont un livre d’artiste exceptionnel par ses dimensions (60 x 40 cm), texte d’Abdellatif Laâbi manuscrit, peintures et dessins de Kacimi. Il n’en existe que deux exemplaires au monde, la mort ayant interrompu le travail de l’artiste.
Kacimi est mort en octobre 2003, et de lui je me souviens comme s’il nous avait quittés hier. Je partage ce texte paru au Maroc le lendemain de son décès. Je n’en changerais pas une virgule aujourd’hui.
« J'ai rencontré Mohammed Kacimi dans un éclat de rire, au printemps 1995 : arrivé bien en retard au rendez-vous qu'il m'avait fixé à la gare de l'Agdal, je lui demandais de me confier deux tableaux pour une exposition collective que nous organisions à Casablanca. Plutôt que de me reprocher de l'avoir fait attendre, il m'accueillit avec sa gentillesse, son humour coutumiers. Kacimi était un être généreux, franc dans son rapport avec autrui, dépourvu d'arrogance ; un homme d'exception. Il m'accorda sa confiance ; plus tard, son amitié. Depuis cette première rencontre, nous avons travaillé ensemble, dans une harmonie que rien n'est jamais venu troubler. Plusieurs expositions de ses œuvres ont été montées à la galerie Al Manar ; plusieurs livres, écrits ou illustrés par lui, ont été publiés par mes soins. A chaque fois, le succès fut au rendez-vous : Kacimi était de ces créateurs exigeants qui ne laissent rien, ou si peu, au hasard ; de ces artistes qu'un public passionné suit, et qu'il se devait de ne pas décevoir. De l'œuvre peint de ce grand artiste, je ne dirai rien, en laissant à d'autres l'étude et le commentaire. Sa culture, diversifiée, l'acuité de sa réflexion et l'ampleur de son expérience lui ont permis d'occuper une place prééminente parmi les peintres marocains. Sa modestie vraie - qui ne l'empêchait nullement d'avoir conscience de la valeur de son travail - lui a évité de se poser en donneur de leçons. Il a manqué à cet artiste hors-pair une reconnaissance, non pas nationale, car celle-là lui était largement acquise, mais internationale. Il lui aurait fallu un peu de temps encore ; et la possibilité d'être représenté dans les grands salons de peinture, en Europe et en Amérique. L'état du marché de l'art au Maroc ne le lui a pas permis. Mais il a, avec d'autres, ouvert des voies, où des peintres plus jeunes s'engagent aujourd'hui. Ils lui en sont redevables ; certains lui en sont reconnaissants. De mon ami Mohammed Kacimi, auprès de qui nous avons passé tant d'heures heureuses, je garderai le souvenir d'un homme courageux, qui jamais ne se plaignait des souffrances que la maladie depuis plusieurs années lui imposait ; d'un homme digne, révolté par l'injustice et toujours à l'écoute des gens humbles, de ceux qui souffrent. Sa peinture exprime ses tourments, et les leurs. Il pressentait sa fin prochaine ; la mort hantait ses toiles, ce prolongement de son corps. Pourtant, de temps en temps, il se lançait au matin en hurlant dans son beau jardin sa joie d'être au monde. C'est cette image que je garderai de lui : celle d'un être dyonisiaque, ouvert, malgré souvent la difficulté de vivre, à la beauté du monde. »
Alain Gorius
Tel Quel,nov. 2003
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